Chronique

Orphelins 88, Sarah Cohen-Scali

Résumé:

Munich, juillet 1945.
Un garçon erre parmi les décombres

Qui est-il ? Quel âge a-t-il ? D’où vient-il ? Il n’en sait rien. Il a oublié jusqu’à son nom. Les Alliés le baptisent  » Josh  » et l’envoient dans un orphelinat où Ida, directrice dévouée, et Wally, jeune soldat noir américain en butte au racisme de ses supérieurs, vont l’aider à lever le voile de son amnésie.
Dans une Europe libérée mais toujours à feu et à sang, Josh et les nombreux autres orphelins de la guerre devront panser leurs blessures tout en empruntant le douloureux chemin des migrants.
Si ces adolescents sont des survivants, ils sont avant tout vivants, animés d’un espoir farouche et d’une intense rage de vivre.
Un roman saisissant qui éclaire un pan méconnu de l’après- Seconde Guerre mondiale et les drames liés au programme eugéniste des nazis, le Lebensborn.

Comment ce livre est-il arrivé entre mes mains?

Je me promenais à la FNAC durant ma pause à midi, sans vraiment chercher un livre en particulier et je suis tombé sur celui-ci. La couverture que j’avais vu rapidement en photo sur Instagram et Twitter m’a attirée. J’ai donc lu le résumé et j’ai craqué pour un achat impulsif. Le sujet des Lebensborn est si rarement traité que j’ai tout de suite voulu le lire.

Mon avis:

Siegfried/Josh est un orphelin sans passé. Ses souvenirs se résument à « l’école » nazie dans laquelle il était élevé jusqu’à ce que la fin de la guerre ne le jette à la rue. Lorsqu’il est récupéré par des soldats américains, il est envoyé dans un orphelinat de l’UNRRA parmi d’autres orphelins de guerre.

Le personnage de Josh est bien construit avec de nombreux traumatismes: il y a un long chemin entre Siegfried, le petit écolier nazi et la personne qu’il est à la fin du roman. Il peut paraître difficile au début de se connecter avec Josh car il tient encore en partie un discours nazi. Il est déchiré entre ce qu’on lui a inculqué, ce qu’on lui raconte et ce qu’il a vécu. A 12 ans, il en a déjà beaucoup trop vu alors qu’il fait partie des mieux lotis: il est logé dans un orphelinat, nourri et traité avec respect. Son évolution est vraiment bien traitée: il se débat avec ses blessures, ce qu’il a oublié et ce qui lui revient petit à petit.

La vie à l’orphelinat est compliquée lorsque d’autres enfants arrivent. Ses liens avec les autres, notamment les enfants juifs et les autres « germanisés » vont se construire petit à petit, mais avec heurts et fracas! J’ai beaucoup aimé ce quotidien rendu difficile par les traumatismes terribles qu’ont subis ces enfants et adolescents. Certains aspects de la vie tellement simple pour le commun des mortels comme prendre une douche, manger en collectivité ou même faire l’appel, deviennent presque impossibles à gérer pour les encadrants. Soigner des esprits aussi profondément blessés et/ou endoctrinés prend du temps et beaucoup de patience.

Le rapport à l’autorité et aux adultes est très compliqué pour une grande partie des pensionnaires. Les encadrants sont pourtant de bonne volonté, mais certains évènements ne peuvent être oubliés. Cela provoque des situations dramatiques, mais aussi des moments plus comiques qui soulage un peu le lecteur. L’arrivée des sœurs et leur réaction à l’activité amoureuse des adolescents est comme vous pouvez l’imaginer, assez drôle, surtout en contraste avec les soldats américains positionnés dans la ville. A ce propos d’ailleurs, le personnage de Wally, soldat noir américain est particulièrement touchant. Malgré son quotidien pas toujours joyeux, il apporte aux orphelins et en particulier à Josh un peu de joie et d’attention.

Ce récit n’est pas doux: rien n’est épargné et je trouve que c’est une bonne chose. Il faut être prêt à encaisser la réalité de cette période: les pogroms russes, le racisme ambiant, l’anti-sémitisme après-guerre, les viols des russes et des américains, les blessures psychiques terribles (et physiques) des enfants et surtout la tiédeur avec laquelle les Alliés acceptent d’accueillir les enfants victimes de la guerre.

Cette réalité historique peu connue frappe de plein fouet, même quand on s’est déjà un peu renseigné. L’injustice de la situation est aggravée par l’incompréhension des enfants et adolescents à qui on a répété que la guerre est finie. Beaucoup ont tout perdu et doivent encore faire face au rejet, que ce soit par anti-sémitisme, soupçons quant à leur éducation nazie ou le fameux discours « on ne peut pas accueillir tout le monde ».

Je n’ai pas pu m’empêcher de faire le parallèle avec l’actualité des réfugiés refoulés et des enfants pris dans la guerre en Syrie, notamment. Il est courant d’entendre parler d’enfants de combattants djihadistes coincés dans un pays qui n’est pas le leur. Aujourd’hui encore, certains se battent pour qu’on les laisse payer le prix fort pour le choix de leurs parents.

Un roman sans concession, qui malgré quelques libertés avec la temporalité des évènements évoque la triste réalité des enfants après-guerre: orphelins de guerre, germanisés, enfants des Lebensborn ou des camps de concentration. Bien qu’ils soient innocents, ils ont payé et payent encore pour la folie d’adultes fanatiques. Une lecture difficile et marquante que j’ai adoré. Je vous recommande vraiment ce récit, si vous pouvez supporter de lire à propos des horreurs de la guerre et celles non moins terribles de l’après-guerre (Il reste adapté aux grands ados).

Coup de coeur

Informations pratiques:
Publié par R-jeunes Adultes en septembre 2018, 432 pages (15.90€)
Existe en livre numérique (10.99€)

14 réflexions au sujet de “Orphelins 88, Sarah Cohen-Scali”

  1. Oh ! Effectivement, le sujet des Lebensborn est rarement traité ! Je comprends que tu aies craqué. Ca a l’air d’être un roman très dur (donc je ne pense pas le lire de suite) cependant, je te rejoins sur le fait qu’il ne peut en être autrement. Le contexte était ainsi et c’est important de ne pas enjoliver cette partie de l’histoire. Quant au traumatisme de l’enfant, il a l’air d’être vraiment travaillé et crédible. Quant au parallèle avec la Syrie, ça a l’air effectivement bien vu !
    Tu as su titiller ma curiosité avec ta critique ! On sent que cette lecture t’a marquée et que c’est un coup de coeur. Je me le note pour plus tard en WL.^^

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    1. Oui! Vraiment peu commun comme sujet!
      C’est très difficile en effet, lire sur la souffrance de ces enfants fait vraiment mal au cœur… mais oui, atténuer la réalité serai presque une insulte pour tout ceux qui ont vécu ces événements!
      Le parallèle est purement perso, mais ça m’a interpellée avec certaines actualités que j’ai vu récemment aux infos.
      J’espère qu’il te plaira, c’est marquant et certaines scènes font très mal, mais c’est vraiment intéressant 😊

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  2. J’avais vraiment apprécié MAX et la plume de l’auteur. J’avais trouvé le travail fait autour de Max très intéressant et ce roman semble, d’une certaine manière une suite logique. Merci pour ce retour poignant, je le note pour me l’offrir à l’occasion

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